< Previous40 © CFNEWS - MAGAZINE -DÉCEMBRE 2023 FOCUS SECTORIEL D ’après les données CFNEWS, le nombre des levées de fonds menées en France sur des biotech non cotées durant les dix premiers mois de l’année est le même en 2022 et en 2023. On recense ainsi 26 so- ciétés qui ont réussi leur collecte de fonds, soit quasi deux fois moins qu’en 2021. Pas de quoi brosser un état des lieux décisif de l’état du financement des biotech en France, mais assez pour remarquer que, celles qui ont pu s’alimenter l’ont fait durant les pre- mières étapes de leur vie - 10 tours d’amor- çage en 2023 (contre 9 en 2022) et 11 série A (versus 10 l’année précédente). « Sur les deux premiers quadrimestres de l’année, les fonds levés par des biotech en Europe ont diminué de 8 % et le nombre des finan- cements, de 17,7 %. On observe donc un étirement du marché avec moins de tours, mais des tours plus importants, analyse Raphaël Wisniewski, partner chez Andera en s’appuyant sur une étude récente de Pit- chbook. C’est un marché en trompe-l’œil où de belles levées de fonds ont pu être enre- gistrées, masquant par ailleurs une réalité JUSQU’ICI TOUT VA BIEN EN SEED ET POUR LES PLUS MATURES… … MAIS ENTRE DEUX, LA CITATION EST COMPLIQUÉE compliquée. Dans les faits, the winners take it all ! » En d’autres termes, les sociétés déjà bien financées et ayant atteint leurs objectifs le sont encore, largement, « d’autant plus si elles ont une stratégie différenciée et si elles sont positionnées sur des sujets ayant le vent en poupe », précise l’investisseur. D’ailleurs, de l’avis quasi général, ce ne sont pas tant les biotech en (pré)seed qui souffrent le plus, ni celles, encore peu nombreuses en France, qui sont proches du marché. L a situation semble particulièrement cri- tique pour les biotech qui n’en sont plus au stade de l’amorçage mais sont encore loin du marché. « Pour l’heure, on finance plutôt du pré-clinique ou des phases II/III. Et les boîtes qui ne parviennent pas à être entière- ment financées ne boucleront pas leur tour » résume Hervé Ronin, partner « healthcare » au sein de Bryan, Garnier & Co. « C’est la vallée de la mort », confirment Alexia Pe- rouse et Jean-Christophe Dantonel, respec- tivement directrice générale et associé au POUR L’HEURE, ON FINANCE PLUTÔT DU PRÉ-CLINIQUE OU DES PHASES II/III HERVÉ RONIN, PARTNER HEALTHCARE CHEZ BRYAN GARNIER & CO 41 © CFNEWS - MAGAZINE - DÉCEMBRE 2023 IL EXISTE DE BELLES OPPORTUNITÉS DANS LE SECTEUR DES BIOTECH L’Agence de l’innovation en santé, la Direc- tion générale du Trésor, la mission « Tibi » et France Biotech se sont associées pour proposer aux investisseurs institutionnels de haut rang une formation pour « Investir dans la HealthTech ». Cette formation de 30 heures, en présentiel, sera dispensée par Polytechnique Executive Education. Cette initiative s’inscrit dans la deuxième mou- ture du dispositif Tibi. Elle a pour ambition de fournir de la visibilité sur les enjeux de l’innovation en santé et sur les perspectives de performances financières aux assureurs qui se sont engagés à contribuer au dis- positif. « Le domaine de la santé est perçu comme complexe parce que le process de développement d’un médicament paraît long, coûteux, risqué. À ce titre, il peut tenir à distance les investisseurs institutionnels, poursuit le président de France Biotech. Ce programme exécutif veut leur démontrer qu’il existe de belles opportunités, leur four- nir les outils nécessaires pour prendre les bonnes décisions dans un monde évolutif ». Avec l’idée, au final, que les assureurs qui ont choisi d’engager des fonds dans la tech remontent les dossiers « biotech » en haut de leur pile. Franck Mouthon, président de France Biotech sein de Ibionext. « Quand on cherche, 20, 30 ou 40 M€ pour un dossier qui a établi sa preuve de concept, on a un mal fou à trou- ver un lead investor. Les fonds internationaux restent pour la plupart centrés sur leur pays et on ne trouve pas (ou pas assez) d’argent en France pour continuer à financer certaines biotech. Le secteur manque de profondeur. » Et ce, malgré le nouvel élan apporté par l’ini- tiative Tibi qui a déjà fléché d’importants capitaux vers le growth en 2020 et s’ouvre désormais à l’early stage avec une nouvelle dotation de 7 Md€ par 28 institutionnels. « Ce qu’on faisait en 2000 -des tours de 20 à 30 M€ avec des français complétés par des in- ternationaux, on n’est plus capable de le faire car les poches profondes tricolores ont encore grossi, et pris une dimension encore plus in- ternationale. In fine, elles investissent moins en France. » Réalité ou illusion d’optique ? Au Top 10 des levées de biotech de santé auxquelles ont contribué les fonds de private equity français de CFNEWS (voir l’infogra- phie en lien ) , ne figuraient en tout cas que deux sociétés françaises en 2022 et trois en 2023, les fonds français ayant participé en pa- rallèle à des tours d’envergure dans des biotech américaines, bien sûr, mais surtout ailleurs sur le continent européen et au Royaume-Uni. SOCIÉTÉS (ET FONDS) TENTENT DE S’ADAPTER C ar, « en capital-risque, aujourd’hui, il faut être créatif pour lever de l’argent : non seulement il est nécessaire d’anticiper, 42 © CFNEWS - MAGAZINE -DÉCEMBRE 2023 tages pour « combler le temps long » qui rythment le quotidien du secteur depuis quelques mois et permettent aux sociétés de tenir en attendant des jours meilleurs. Et dans les entreprises, on s’adapte. « Cer- taines sont contraintes de se concentrer sur leur produit phare sans explorer tout leur potentiel. Et on apprend à attendre : on sert les boulons, on se met à la diète et on limite le cash burn », détaille l’équipe d’Ibionext. FOCUS SECTORIEL CERTAINES BIOTECH SONT CONTRAINTES DE FAIRE LE DOS ROND AVEC DES BRIDGES, DES EXTENSIONS DE TOURS, OU DES TOURS INTERNES ALAIN HURIEZ, PRÉSIDENT FONDATEUR D’ADBIO A u vu de cette conjoncture complexe, l’ensemble de l’écosystème marche sur des œufs. En premier lieu, les inves- tisseurs sont tournés vers leur portefeuille. « Ce qui ne nous empêche pas de conti- nuer à regarder de nouveaux deals , assure Antoine Papiernik. Mais nous portons une attention accrue aux due diligences, aux DES FINANCIERS TRÈS IMPLIQUÉS mais il faut aussi solliciter plus de fonds que nous n’avions cou- tume de le faire pour, au final, ré- unir une somme donnée auprès de plus d’investisseurs qu’avant », relève Mounia Chaoui, directrice associée chez Turenne Groupe. Et quand l’objectif n’est pas at- teint, d’autres solutions sont re- cherchées. C’est ainsi que, depuis le retournement du marché, de nombreuses opérations sont réa- lisées en toute discrétion : « Cer- taines biotech sont contraintes de faire le dos rond avec des bridges , des extensions de tours, ou des tours in- ternes quand c’est possible pour éviter des valorisations qui ne seraient pas “justes” », explique Alain Huriez, président-fondateur d’Adbio, fonds d’amorçage qui pour sa part n’a monté qu’un bridge en 18 mois sur les 22 sociétés que compte son portefeuille. O u alors on se tourne vers d’autres typo- logies d’investisseurs. « Sur T-Heart nous avons anticipé car nous savions qu’il faudrait 30 M€ pour réaliser des essais cli- niques aux Etats-Unis. Nous avons diversifié les financements en agrégeant des investis- seurs privés et réalisé une extension de tour », relatent Alexia Pérouse et Jean-Christophe Dantonel. Les business angels sont toujours, eux aussi, au rendez-vous : « Ça complique les tables de capitalisation mais, vu leur si- tuation, certaines biotech n’ont pas d’autre choix pour financer leurs travaux », observe Pierre-Olivier Brouard. Autant de mon-43 © CFNEWS - MAGAZINE - DÉCEMBRE 2023 LES PLUS GROSSES LEVÉES DE FONDS FRANÇAISES RÉALISÉES PAR DES BIOTECH NON COTÉES Sources : CFNEWS / Sociétés IMCHECK THERAPEUTICS PANACEA VENTURE, CTI LIFE SCIENCES, 3B FUTURE HEALTH FUND, ADMARE BIOINNOVATIONS, SCHRODER ADVEQ, OMNES CAPITAL VENTURE, TURENNE GROUPE, THEODORUS, VIVA BIOINNOVATOR, SEVENTURE PARTNERS SPARING VISION JEITO CAPITAL, UNIVERSITY OF PITTSBURGH MEDICAL CENTER, YSIOS CAPITAL, 4BIO CAPITAL, BPIFRANCE INVESTISSEMENT, RETINAL DEGENERATION FUND MABLINK BIOSCIENCE SOFINNOVA PARTNERS, MERIEUX EQUITY PARTNERS, ELAIA PARTNERS, UI INVESTISSEMENT,RELYENS INNOVATION SANTE, FONDATION FOURNIER-MAJOIE, ANGELOR, CREDIT AGRICOLE CREATION AQEMIA EURAZEO IM (EX IDINVEST PARTNERS), BPIFRANCE INVESTISSEMENT, ELAIA PARTNERS DNA SCRIPT AILLIE GIFFORD, T. ROWE PRICE ASSOCIATES, HEALTHCOR MANAGEMENT, EUREKARE, IRVING INVESTORS AMOLYT PHARMA SOFINNOVA PARTNERS, ICG, TEKLA CAPITAL MANAGEMENT, CTI LIFE SCIENCES, ANDERA PARTNERS, NOVO A/S, KURMA PARTNERS, EQT LIFE SCIENCES, BPIFRANCE INVESTISSEMENT, SECTORAL ASSET MANAGEMENT, ALIMENT CAPITAL, ORBIMED, MASS GENERAL BRIGHAM VENTURES, ATEM CAPITAL, CREDIT AGRICOLE CREATION, RELYENS, TURENNE GROUPE CORTERIA PHARMACEUTICALS JEITO CAPITAL, ORBIMED, KURMA PARTNERS, V-BIO VENTURES, INVIVO CAPITAL PARTNERS, OMNES CAPITAL, FOUNTAIN HEALTHCARE PARTNERS DIOGENX BOEHRINGER INGELHEIM VENTURE FUND, ROCHE VENTURE FUND, ELI LILLY & CO, OMNES CAPITAL, ADBIO PARTNERS, JDRF T1D FUND ALGOTX (ALGOTHERAPEUTIX) RELYENS INNOVATION SANTE, UI INVESTISSEMENT, BPIFRANCE INVESTISSEMENT, OMNES CAPITAL, MAJYCC ESANTE INVEST ASTRAVEUS ADBIO PARTNERS,M VENTURES (MERK VENTURES), JOHNSON & JOHNSON INNOVATION (JJDC), BPIFRANCE INVESTISSEMENT (*) En millions d’euros. (**) Du 1 er janvier au 31 octobre SOCIÉTÉACQUÉREUR MONTANT (*) SOCIÉTÉACQUÉREUR MONTANT (*) 130 (3 e tour) 65 (1 er tour) 27,5 (1 er tour) 20 (2 e tour) 16,5 (Amorçage) 96 (3 e tour) 75 (2 e tour) 31 (1 er tour) 30 (1 er tour) 30 (4 e tour) 2023 2022 tion de son futur produit, simplicité des modalités- une analyse de la concurrence, bref : c’est celui qui sait comment aller de la science au produit ! », explique Alain Hu- riez. « En produisant ce travail de projec- tion, les fonds d’amorçage valident le fait qu’ils pourront potentiellement sortir de la société dans un délai suffisamment court pour gagner de l’argent en trouvant un relais pour financer les stades suivants », souligne Bervin Bouani, directeur d’in- vestissement au sein de Turenne Groupe. Focalisé sur les phases de growth, Jeito re- conditions de tour… » Et surtout, à la mise en œuvre des feuilles de route au sein des entreprises avec, au centre des préoccupa- tions, la définition de la stratégie clinique et une exécution impeccable. « Les projets naïfs, pas assez réfléchis, existent depuis toujours mais ils ne résistent pas aux exi- gences des investisseurs. Aujourd’hui, un bon projet s’appuie sur un plan de déve- loppement, une estimation de ses besoins de financement, une idée précise des be- soins médicaux auxquels il va répondre et de la façon dont il va le faire -mode d’ac-44 © CFNEWS - MAGAZINE -DÉCEMBRE 2023 T ous ces points, scrutés dès l’entrée des fonds au capital d’une biotech, sont ré-évalués au fur et à mesure des tours de financement. « Aujourd’hui, soit on a des investisseurs cornerstone est c’est rassurant, soit on doit atteindre des jalons pour lever des capitaux et c’est plus difficile », constate Franck Mouthon, le président de France Bio- tech. « On tranche de plus en plus finement les séries et ces tranches sont clairement conditionnées aux milestones qui, quand ils sont atteints, déclenchent d’un point de vue juridique, le règlement. C’est un process assez sain qui permet à l’investisseur de suivre ce qu’il se passe », note Pierre-Olivier Brouard. VALORISATIONS EN BERNE L’histoire de Mablink est un conte de fées pour VCs où une petite biotech se fait remar- quer par un grand groupe de la pharma -Eli Lilly- qui décide de la racheter alors qu’à 5 ans elle est encore en phase pré-cli- nique. Derrière cette trajectoire spectaculaire, les choix d’un entrepreneur -Jean-Guillaume Lafay- qui « s’est planté dix fois avant de créer Mablink ». Après avoir posé les fondements de sa biotech et, pour s’affranchir des facteurs possiblement limitants, il a opté d’emblée pour un ERP… puis créé la biotech autour de la découverte, par trois chercheurs lyonnais, d’une technologie de fabrication des ADC (conjugués anticorps-médicaments). « La difficulté avec ce genre de plate- forme, c’est de savoir précisé- ment ce qu’on veut en faire. En l’occurrence, nous avons choisi de développer nos propres mé- dicaments. Il nous fallait donc beaucoup d’argent. » Surtout quand on décide d’avoir un « vrai labo » avec de « vrais chercheurs » plutôt que d’ex- ternaliser. Sur ces partis pris, Jean-Guillaume Lafay a d’abord levé 4 M€ auprès d’un pool ré- gional autour d’Elaia, puis 31 M€ en 2022 lors d’un tour de série A leadé par Sofinnova « où tous les investisseurs ont remis ». Et cette année, alors qu’il cher- chait à collecter 150 M€ pour sa série B, il a mené en parallèle les discussions avec Eli Lilly. Il faut dire qu’entre temps, Jean-Guil- laume Lafay avait opté pour « un business model mixte, ce que les financiers détestent », en accordant une licence à Emer- gence Therapeutics. Le marseil- lais qui a développé un produit depuis la plateforme a été repris cet été par… l’américain. « Il n’y a rien de tel qu’un client satisfait », s’amuse le dirigeant. NOUS AVONS CHOISI DE DÉVELOPPER NOS PROPRES MÉDICAMENTS Jean-Guillaume Lafay, CEO de Mablink FOCUS SECTORIEL vendique plus que jamais son engagement aux côtés des dirigeants pour sécuriser dans la durée le parcours de leur biotech. L’objectif là encore, étant de « dérisquer la feuille de route d’accès au marché et donc au patient», résume Sabine Dandiguian, managing partner. « Quand nous soute- nons une entreprise, c’est pour accélérer son développement en tant que futur lea- der de son marché en la positionnant en Europe et aussi aux Etats-Unis : la qualité de l’équipe est clé, de même que le design des essais cliniques, le ciblage des catégo- ries de patients, les critères d’évaluation qui doivent être pré-définis avec les au- torités… La base de tout, c’est une belle science, sans compromis sur le reste. »45 © CFNEWS - MAGAZINE - DÉCEMBRE 2023 LES VÉHICULES FRANÇAIS INVESTISSANT EN BIOTECH LEVÉS DEPUIS 2022 NOMSOCIÉTÉ DE GESTIONSTATUT MÉRIEUX PARTICIPATIONS 4 (MP4) MERIEUX EQUITY PARTNERSClosé 500570 BIODISCOVERY 6ANDERA PARTNERSClosé450456 KURMA GROWTH OPPORTUNITIES KURMA PARTNERS1 er closing 250160 AFB FUND IIADBIO PARTNERS2 nd closing11090 SUPERNOVA INNOVATION 3SUPERNOVA INVEST1 er closing10075 MAJYCC INNOVATION SANTÉ MAJYCC ESANTE INVEST1er closing n.d.50 CAPTECH SANTÉ NUTRITIONFINORPA1 er closing4015 CATHAY HEALTH CATHAY CAPITALEn cours de levée 500n.d. CAPITAL INNOVATION SANTÉ IUI INVESTISSEMENTEn cours de levéen.d.60 MONTANT (*) LEVÉ MONTANT (*) VISÉ Sources : CFNEWS / Sociétés (*) En millions d’euros. Mais le moindre écart dans l’exécution, un retard ou des résultats mitigés peuvent être gravement « sanctionnés » par un réajuste- ment à la baisse ou une absence de revalori- sation de la société à l’occasion d’un nouveau tour. « Au fil des tours, on a des croissances de valorisation mesurées, parfois même des baisses, mais le plus souvent, la valorisation est juste étale », observe Raphaël Wisniews- ki. En cause ? Les perspectives de sortie pour les financiers, en fonction du moment de leur investissement. Avec un passage de relais difficile entre les fonds de seed et les fonds de growth . Et, pour les investisseurs des late stages, un horizon de sortie bouché du côté de la bourse, ce qui affecte méca- niquement les valorisations, celles-ci étant calculées, à partir de la série B, en fonction de la valeur présumée de la biotech lors de son hypothétique IPO ou d’un adossement potentiel à un industriel.. « Ce que je valo- risais 10 M€ il y a deux ans, je le valorise 40 à 50 % moins aujourd’hui », confie un financier. NOUS CHERCHONS À DÉRISQUER LA FEUILLE DE ROUTE D’ACCÈS AU MARCHÉ ET DONC, AU PATIENT SABINE DANDIGUIAN, MANAGING PARTNER CHEZ JEITO46 © CFNEWS - MAGAZINE -DÉCEMBRE 2023 E n ces temps troublés où (même) les ca- pital-risqueurs manifestent leur aver- sion au risque, les financiers redoublent de précaution… laissant le champ libre aux grands groupes pharmaceutiques ? On pourrait le penser tant les conditions sont réunies pour que ces derniers reviennent massivement dans le jeu. En effet, après deux années durant lesquelles ils se sont considérablement enrichis, ils sont dotés de moyens financiers inédits pour alimenter leurs pipelines en produits innovants. Une nécessité pour ceux qui sont confrontés, ou le seront prochainement, à l’expiration des brevets de médicaments qui assuraient une part importante de leurs revenus. Certains passent des partenariats avec les biotech à l’instar de Janssen avec Nanobiotix, As- tra Zeneca avec Cellectis, Innate Pharma avec Takeda, Novo Nordisk avec Vect Ho- rus, Servier avec OPM… ou/et prennent le contrôle de biotech, parfois dès le plus jeune âge à l’instar de Eli Lilly qui met la main sur Mablink (lire l’encadré page 44). Pour au- tant, si les industriels sont là, France Bio- tech notait dans son dernier panorama que LES CORPORATES FONT LA FINE BOUCHE la France n’était pas parmi les mieux placés en Europe pour les accords industriels… Malgré les difficultés rencontrées par les biotech pour se financer, les investis- seurs restent optimistes. « Pour les biotech comme pour les sociétés innovantes dans d’autres secteurs, il est en effet plus difficile de clore un tour de table aujourd’hui. Mais nous sommes déjà passés par là, rappelle Antoine Papiernik. Nous avons connu des périodes compliquées, mais nous conti- nuons à investir parce que nous avons une vision à long terme et que nous ne pouvons pas nous arrêter : nous avons de nouveaux fonds à déployer ! » Série C éclair pour Amolyt Pharma Mablink passe en mode furtif Nanobiotix prend encore des forces À LIRE AUSSI… FOCUS SECTORIEL NOUS AVONS CONNU DES PÉRIODES COMPLIQUÉES, MAIS NOUS CONTINUONS À INVESTIR PARCE QUE NOUS AVONS UNE VISION À LONG TERME ANTOINE PAPIERNIK, PRÉSIDENT DE SOFINNOVA PARTNERS 47 © CFNEWS - MAGAZINE - DÉCEMBRE 202348 © CFNEWS - MAGAZINE -DÉCEMBRE 2023 FOCUS SECTORIEL MALGRÉ UN NOMBRE DE COTATIONS EN BERNE, LES BIOTECH DE SANTÉ PARVIENNENT À SE FINANCER EN BOURSE... À CONDITION DE SAVOIR FAIRE PREUVE D’INVENTIVITÉ. ANNE JOLY S i 2021 a été une année re- cord de cotation en bourse, le marché s’est depuis refermé. Pas d’introduction significative de biotech française cette année sur Euronext ou sur le Nasdaq jusqu’à ce qu’Abivax réussisse à en- trer sur le marché américain levant 220 M€. Pour autant, il existe des opérations bour- sières (voir infographie page 50). En l’oc- currence, on note une recrudescence des Image générée par de l’IA augmentations de capital réservées et des placements privés pour les plus avancées d’entre elles (lire l’encadré page 49). Pour l’investisseur, ce genre d’opérations présente plusieurs avantages : financiers, puisque le prix de l’action est souvent plus attrac- tif notamment parce qu’il peut peser sur une décote ; ensuite, ayant accès pendant la préparation du tour, à des informations détaillées sur l’état d’avancement des divers DIVERSIFIENT LEURS OUTILS LES BIOTECH COTÉES Vink Fan - Adobe Stock49 © CFNEWS - MAGAZINE - DÉCEMBRE 2023 programmes de la société, les investisseurs améliorent leur visibilité sur sa trajectoire et réduisent leur risque. « Globalement, il y a moins de financements boursiers pour les sociétés cotées et, paradoxalement, celles qui sont déjà bien financées aspirent tout, observe Hervé Ronin, partner « healthcare » chez Bryan, Garnier & Co. Le problème, spécifique à la France, tient au fait que le marché est bloqué alors que les places bour- sières nordiques ou suisses continuent à fonctionner. Il faut dire qu’on a coté à Paris des biotech à des stades très précoces, avec un profil de risque très élevé, à quelques ex- ceptions près plus vectrices de déceptions que d’espoir, pour l’instant ». C omme sur le non-coté, les investis- seurs se montrent plus généreux en- vers les biotech ayant éprouvé leur modèle. C’est ainsi que, quelques mois après avoir signé un partenariat portant potentiel- lement sur plus de 2,5 Md€ avec Janssen (une filiale de Johnson & Johnson), Nano- biotix a réuni 50 M€ auprès des financiers ayant soutenu son IPO et de Johnson & Johnson Innovation, respectivement via une offre globale et un placement privé. De quoi compléter les 277 M€ déjà levés sur son idée d’injecter un produit -NB- DE NOUVEAUX MODES DE FINANCEMENT LA GRANDE AVENTURE Marc de Garidel est arrivé à la tête d’Abivax au printemps pour emmener sur le marché son traitement modulant le système immunitaire afin de traiter les maladies inflam- matoires. Mais avant d’accé- lérer, le patron de la biotech a pris le temps de la réflexion pour adopter une approche holistique de long terme, aux antipodes de la logique dictée par les financements limités qui étaient jusque-là le lot de la biotech. Il définit alors une nouvelle stratégie qui projette la société au-delà même de la daté présumée de mise sur le marché de son produit phare, sachant que les essais de Marc de Garidel, directeur général d’Abivax phase III en cours n’étaient pas financés dans leur intégralité… « Nous avons traduit notre plan stratégique en besoins de fi- nancement, bâti un plan à 7 ans et négocié de lever bien plus que les 50 M€ de dette prévus, notamment en nous introdui- sant sur le Nasdaq », résume le dirigeant. Une « grande aven- ture » menée tambour battant pendant trois semaines durant lesquelles 80 investisseurs ont été rencontrés. La biotech a levé quelque 220 M€ lors de son IPO fin octobre, franchissant ainsi une étape décisive dans le plan de financement qui lui a permis de réunir quelque 500 M€ de- puis le début de l’année. Elle a donc les moyens, selon qu’elle lèvera la dette qu’elle a négo- ciée en partie ou intégrale- ment, de financer ses travaux jusqu’à fin 2025, voire jusqu’au 2 ème trimestre 2026. Prochain chantier pour Marc de Garidel : travailler sur la cote d’Abivax dont le cours a dévissé dès la première cotation. « 70 % de notre marché est aux Etats- Unis et nous allons nous em- ployer à nous y faire connaître ».Next >