< Previous50 © Tous droits réservés CFNEWS 2019www.cfnews.netCAPITAL-INNOVATIONSi l’envie de rendre à l’écosystème entrepreneurial constitue pour beaucoup un moteur pour passer de l’autre côté de la barrière du financement, les néo investisseurs sont aussi poussés par des motivations un peu moins nobles mais tout aussi fortes. Ainsi, le mécanisme offrant un report voire une exonération d’impôt sur la plus-value de cession à condition d’en ré-investir au moins 50 % dans les deux ans a sans doute contribué à faire naître des voca-tions de business angels. Le profil de ces nouveaux venus tranche avec l’image habituelle du chef d’entreprise ou cadre supérieur retraité. « Nous voyons arriver de plus en plus d’entrepreneurs de trente ou quarante ans ayant fait une sortie et disposant de moyens importants », remarque Charles Degand, président de la plateforme communautaire AngelSquare.Si davantage de BA viennent du sérail « tech », capables d’injec-ter des tickets d’au moins 50 K€ soit cinq fois plus que leurs homologues plus clas-siques des réseaux associatifs nés il y a une vingtaine d’années, l’image positive des start-up attire aussi des avocats, mé-decins, sportifs et patrons de cabinets de conseil, parmi d’autres. Au-delà de cette diversification, les familles fortunées, is-sues de tous secteurs, s’intéressent aussi à l’amorçage. « Une quinzaine de family of-fice est venue nous voir depuis six mois », confie Charles Degand.Photo : DR« Le réseau de business angels professionnels augmente et se structure » Christophe Courtin, business angel.Des LPs recherchésAprès des débuts dans l’investissement direct, les BA les plus actifs commencent à être visibles et recevoir des dossiers, poussant certains parmi les plus à l’aise finan-cièrement à souscrire à des fonds. Soit dans les « institutionnels » cherchant à diversifier leur base de souscripteurs, soit dans des « fonds d’entrepreneurs ». Ces derniers ne se positionnent d’ail-Le profil de ces nouveaux venus tranche avec l’image habituelle du chef d’entreprise ou cadre supérieur retraité.51 © Tous droits réservés CFNEWS 2019www.cfnews.netAngelSquare, symbole de la structuration des BA Réunis depuis plus de vingt ans dans des réseaux associatifs, les investisseurs individuels optent aussi désormais pour des relations moins formelles. Parmi les initiatives récentes, AngelSquare, présidé par Charles Degand, entend optimiser leur relation avec les start-up à partir d’une plateforme web. Lancé en 2016, à la suite d’une première tentative sous le nom de FundMe, cet acteur se positionne essentiellement sur l’amor-çage mais aussi de plus en plus sur les premiers tours. Il a ainsi accompagné 76 jeunes pousses dans leurs levées de fonds l’année dernière, dont 20 en série A. Une extension vers des tours plus importants illustrant la croissance de la communauté et des tickets moyens, mais aussi l’ouverture aux family office voire aux fonds d’amorçage. AngelSquare franchit un pas de plus vers l’univers des VCs en lançant il y a deux mois son pre-mier « fonds », dédié aux fintech. Un véhicule sera créé spécifiquement pour chaque opération, à la manière du fonctionnement de Side Capital. Cette approche secto-rielle se poursuivra avec le lancement en 2019 de deux nouveaux véhicules dans « l’impact sociétal ou environ-nemental » et dans l’intelligence artificielle.Photo : DRCharles Degand, président, AngelSquare.leurs pas tous dans le capital-innovation. C’est le cas d’un tiers seu-lement des 21 membres actuels du club lancé par France Invest en 2015 pour ce type d’acteurs : Newfund, Isai, CapHorn, Hi Inov, Breega, Fa Dièse et Fair West, de jeunes structures puisque les plus anciennes Fa Dièse, Newfund et Isai ont été montées réellement il y a une dizaine d’années seulement.Les LPs issus de l’entrepreneuriat se retrouvent également de plus en plus dans les fonds de capital-innovation plus classiques, à l’image d’Alven, de Partech, ou d’Ardian, dont le dernier véhicule orienté vers le segment du growth a levé un tiers de ses 230 M€ au-52 © Tous droits réservés CFNEWS 2019www.cfnews.netprès d’entrepreneurs au sens large (voir tableau pages 52 et 53). Les deux associés gérants d’Alven, Guillaume Aubin et Charles Letourneur, confiaient de leur côté avoir cherché à se renforcer auprès d’entrepreneurs proches de leur écosystème, réussissant à obtenir 50 M€ de la part de personnes privées et family office. Même les nouveaux acteurs comme Ring Capital et Daphni se tournent d’emblée vers cette catégorie de LPs, disant vouloir s’appuyer sur cette communauté pour optimiser leur deal flow et accompagner leurs participations. CAPITAL-INNOVATION53 © Tous droits réservés CFNEWS 2019www.cfnews.netBeaucoup de professionnels estiment cependant qu’il s’agit en grande partie d’une stratégie de communication. « La participation des entrepreneurs souscripteurs de fonds à l’analyse des dossiers est très largement surévaluée dans le dis-cours marketing de VCs. La plupart manquent tout simplement de temps pour cela, et préfèrent laisser ce travail à l’équipe de gestion », assure François Véron, co-fondateur de Newfund dont le second millésime s’est bouclé l’été dernier à 130 M€ apportés par 123 entrepreneurs et family office uniquement, après avoir 54 © Tous droits réservés CFNEWS 2019www.cfnews.netun temps songé à s’ouvrir à des institutionnels. Une thèse accréditée par le fait que les fonds n’ont pas besoin particulièrement de solliciter d’autres souscripteurs par les temps qui courent, au-delà des traditionnels « zinzins » et des industriels dont l’intérêt ne se dément pas. « Un grand nombre de VCs veulent donner une image entrepreneuriale à leur fonds, mais il ne s’agit que d’une petite partie de l’argent levé, confirme Jean-David Chambore-don, président exécutif d’Isai Gestion, réunissant 200 entrepreneurs dans ses fonds, pas tous actifs comme business angels par ailleurs. En réalité, un fonds réellement financé par des entrepreneurs ne peut pas être gros. » Malgré tout, ce profil tend à séduire au-delà du pur venture, comme le fonds de capital-croissance d’Ardian. « Avoir su convaincre autant d’entrepreneurs, dès le début de notre levée, représente un élément différenciant pour Ardian face aux nombreux fonds existants. Dans notre sec-teur, il faut savoir se distinguer. Cela peut être par le secteur visé, la nature des opérations mais aussi par celle des LPs », résume Laurent Foata, respon-sable d’Ardian Growth.CAPITAL-INNOVATIONCommunication et contribution réelle De même, la participation des investisseurs privés dans les « fonds d’entrepreneurs » apparait également sou-vent limitée. Si la logique voudrait qu’ils contribuent au moins à la moitié des montants levés, le club de France Invest ne propose qu’une critère très large, évoquant seulement parmi leurs caractéristiques de lever « une part significative » de leurs fonds auprès de souscripteurs entrepreneurs, chefs d’entreprise et familles entrepreneuriales. Par ailleurs, au moins deux socié-tés de gestion nées sur un modèle de LPs d’investisseurs pri-Photo : DR« Dans notre secteur, il faut savoir se distinguer. Par le secteur visé, la nature des opérations ou par celle des LPs » Laurent Foata, responsable d’Ardian Growth55 © Tous droits réservés CFNEWS 2019www.cfnews.netvés semblent en être revenues au moins en partie. Ainsi, Bree-ga Capital n’a pas du tout sollicité ce profil pour atteindre un closing de 100 M€ pour sa seconde SCR en 2017, justifiant son choix notamment par la taille du véhicule, double du premier. De son côté, CapHorn Invest s’est « institutionnalisé » également au même moment, s’ouvrant aux incontournables Bpifrance et Fonds européen d’investissement, ainsi qu’à des industriels pour réunir 130 M€. Dans l’investissement direct, la présence des entrepreneurs semble bien se renforcer.Photo : DR« La plupart des entre-preneurs souscripteurs manquent de temps pour participer à l’analyse des dossiers » François Véron, co-fondateur, Newfund.Dans l’investissement direct, la présence des entrepre-neurs semble bien se renforcer. Cette impression vient surtout de l’activité grandissante de business angels du numérique, dont le nombre est inversement proportionnel à leur force de frappe financière. Pour beaucoup, il s’agit d’ex entre-preneurs devenus business angels à plein temps. « Le réseau de business angels professionnels augmente et se structure, affirme Christophe Courtin, l’un des plus actifs avec 38 investissements réalisés en deux ans pour un ticket moyen de 210 K€. Je peux ainsi envoyer un dossier reçu à une vingtaine de business angels que je connais et qui sont devenus des amis. » Le fondateur de 56 © Tous droits réservés CFNEWS 2019www.cfnews.netCohabitation perfectibleCapables financièrement d’aller au delà des tours d’angels habituels, ces investisseurs individuels doivent cohabi-ter avec des VCs. « Chez certains VCs ayant beaucoup grandi ces dernières années se met en place une logique forte de financiarisation car ils doivent déployer du capital. Cette lo-gique n’est pas celle des business angels qui ont financé l’entre-prise au démarrage, et du coup cela peut créer des frictions. Un fonds comme Newfund n’a pas ces problèmes », estime François Véron. Entre incompréhension des rôles de chacun et questions d’ego, les relations peuvent se tendre. « Il arrive de plus en plus que les fonds imposent de créer en série A un pacte d’actionnaires avec les entrepreneurs différents du pacte existant conclu avant avec les BA, relève Thibaud Elzière. En enlevant au passage leur droit de suite. Or tu ne gagnes pas d’argent pratiquement si tu ne suis pas au tour suivant. Depuis un an, ils te proposent souvent de racheter tes parts en secondaire sur les séries A et B. » Pour le co-fondateur de Fotolia, cette attitude des VCs vient d’abord de leur volonté d’entrer à chaque fois autour de 20/25 % du capital. CAPITAL-INNOVATIONSantiane a vendu il y a près d’un an les 20 % qu’il détenait en-core dans le courtier en ligne d’assurances santé et participe par ailleurs en indirect à Side Capital, Takara Capital et 1Kubator. « Dans les bonnes start-up tech, il n’y a que des BA profession-nels maintenant, et plus d’amateurs », complète Thibaud Elzière, qui relève par ailleurs le succès grandissant des club deals de businesss angels. On retrouve aussi davantage de personnes phy-siques dans des tours de plus grande ampleur qu’auparavant, fi-nançant parfois même seuls des opérations de plusieurs millions d’euros, comme Blade (57 M€ en actions et OC auprès d’une vingtaine d’investisseurs dont l’homme d’affaires thaïlandais Nick Suppipat, Pierre Kosciusko-Morizet et Michaël Benabou) ou Rythm (Dreem) (10 M€ apportés par Laurent Alexandre, Xavier Niel mais aussi des subventions publiques).On retrouve aussi davantage de personnes physiques dans des tours de plus grande ampleur qu’auparavant, finançant parfois même seuls des opérations de plusieurs millions d’euros57 © Tous droits réservés CFNEWS 2019www.cfnews.net« C’est irrationnel de la part du marché d’accepter toujours ce niveau de dilution. D’autant qu’avec les très fortes valorisations actuelles, les VCs doivent mettre beaucoup d’argent pour détenir ce niveau de capital et les BA se font diluer. » Les comportements des personnes physiques actionnaires de start-up dépendent beaucoup de leur expérience du capi-tal-risque. « Les gens qui s’improvisent BA ne connaissent pas bien le marché et sont parfois prêts à accepter des valorisations délirantes, regrette Christophe Courtin. Ils ne connaissent pas les règles du jeu, par exemple que les fonds ont vocation à sortir un ou des BA sur une valorisation un peu plus faible que celle du tour qui arrive, afin de simplifier la table de capitalisation, ou encore qu’à chaque nouveau tour, la liquidité préférentielle des investisseurs entrants est « senior » à celle des anciens investisseurs. » Quand une jeune pousse va mal, les actionnaires historiques sont en effet les derniers à récupérer leurs billes en cas de vente, faute d’avoir pu suivre pour bénéficier de clauses de liquidité préférentielle. Le cas de Videdressing, repris par Leboncoin pour 7 M€ après en avoir levé près du triple, en est une illustration récente. Mais dans un 58 © Tous droits réservés CFNEWS 2019www.cfnews.netTÉLÉCHARGEZ L’ARTICLE SUR CFNEWS EN LIGNEÀ LIRE AUSSI > Breega Capital, de taille pour investir en Europe> Newfund 2 éclot > Ring Capital boucle sa levée Se passer des VCs ?Certains investisseurs en série, comme Christophe Courtin, évoquent une ten-dance nouvelle chez les entrepreneurs d’envisager de se passer tout bonnement des VCs. À condition néanmoins de ne pas avoir de trop gros besoins financiers, étant donné la configu-ration actuelle du marché. À cette vision relevant pour le moment de la science fiction s’oppose des rapports allant vers une co-existence pacifique, illustrée par les initiatives de co-investissement entre sociétés de gestion et BA, telles que Source Angels ou le SeedClub d’Isai, dans lequel le VC n’est que suiveur. Dans l’indirect, un coup de pouce du législateur pourrait redonner du souffle aux fonds d’entrepreneurs notamment. Le projet de loi de finance 2019 adopté en fin d’année élargit en effet aux fonds d’investissement les conditions de l’inci-tation fiscale en cas de remploi des plus-values de cession. marché restreint où la réputation compte presque autant que les moyens financiers, les frictions restent rares. « Je n’ai connu que deux cas difficiles de BA qui « disjonctaient » car on leur proposait de sortir avec un discount de 25 % en secondaire », se rappelle Jean-David Chamboredon. « Il y a des deals où les BA doivent se battre avec les VCs, affirme Charles Degand. Mais les relations varient beaucoup selon les personnes impliquées, y com-pris chez les fonds. »Photo : DR« Un grand nombre de VCs veulent donner une image entrepreneuriale à leur fonds » Jean-David Chamboredon, président, Isai Gestion.CAPITAL-INNOVATION59 © Tous droits réservés CFNEWS 2019www.cfnews.netNext >