< Previous50 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net L es initiatives de Place créées pour faire face au Co- ronavirus ont elles aussi un important rôle à jouer dans le fléchage des programmes institutionnels non cotés et pourraient même avoir un effet accélérateur sur ces investissements. « Notre engagement à soutenir les entre- prises françaises et européennes et à favoriser la relance, notamment dans le cadre du programme conjoint de la FFA et de la CDC, va sans doute nous permettre de déployer plus rapidement cette stratégie », avance Philippe Taffin. Pour mé- moire, cette initiative destinée à financer les entreprises tou- chées par le Coronavirus passe par la réactivation des fonds Nova, Novo et Novi initiés en 2013, via des investissements d’au moins 1,5 Md€ majoritairement en fonds propres tour- nés vers les PME, ETI et le secteur du tourisme et de la san- té. Ces fonds « permettent de diversifier nos portefeuilles, en mettant l’accent sur des entreprises de secteurs et de taille LPs/GPs Jouer collectif tionnaires externes. « A moyen terme, nous souhaitons intégrer la NEC à nos due diligences, avec l’aide de Swen CP, pour sélectionner les fonds en direct », projette ainsi Philippe Rey. D’autres acteurs, comme AG2R La Mondiale, tendent à perfectionner des pratiques implémentées de plus longue date. « L’ESG a été intégré dans notre notation des fonds dès 2011 », note quant à lui Cyrille Roustang, qui a récemment ajouté aux due dili- gences une question portant sur la féminisation des équipes d’investisse- ment. Mais cette forte délégation n’empêche pas les insti- tutionnels de garder la main sur la gestion day-to-day des fonds. A plus forte raison encore depuis le début de la crise, via des réunions fréquentes. « Nous travaillons main dans la main avec nos gérants en ayant confiance dans leur capacité à gérer les investissements dans le portefeuille, et en nous adaptant pour sélectionner de nouveaux investissements dans cet environnement », décrit, Matthias Seewald, direc- teur des investissements d’Allianz France. Nous travaillons main dans la main avec nos gérants… en nous adaptant pour sélectionner de nouveaux investissements dans cet environnement. “ MATTHIAS SEEWALD, ALLIANZ FRANCE.51 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net plus en demande que les autres », salue Olivier Héreil. Si le grand public, comme le gouvernement, a parfois estimé que les assureurs n’allaient pas assez loin dans leur contribution à l’économie réelle, les principaux inté- ressés sont également parfois critiques à l’égard des programmes de Place. Ainsi, l’initiative Tibi, visant à injecter 6 Md€ dans les fonds tech français « revient à demander dans l’immédiat aux assureurs de financer le Nasdaq », dénonce Jean-Louis Charles, tandis que Matthias Seewald aurait aimé voir l’initiative élargie aux unités de compte proposées dans les contrats d’assu- rance-vie. L e fléchage des investissements des assureurs passe aussi par la volon- té d’améliorer leur écosystème. Tous, ou presque, se sont déjà armés d’une stratégie dédiée, en capital ou en dette. En tant que partenaire historique des professions de l’alimentaire, AG2R La Mondiale s’est attaché à créer le fonds de dette privée Agrro Croissance, doté de 50 M€ et géré par Eiffel, afin de financer des PME agroalimentaires. « Nous réfléchissons à du- pliquer cette initiative à fort impact sur d’autres secteurs dont nous sommes proches », expose d’ailleurs Jean-Louis Charles. De la même manière, Har- monie Mutuelle a structuré cette année une stratégie d’investissement de 70 M€ destinée à investir dans des fonds de capital-investissement et de dette privée avec l’aide d’Eiffel. « Cette enveloppe nous permet de nous rappro- cher de notre clientèle interprofessionnelle et d’ajouter un fil conducteur à nos investissements en nous focalisant sur le prisme ‘Emplois’ », explique Aurélien Bon. A date, 40 M€ ont été déployés par la mutuelle, notamment à travers des fonds régionaux visant à soutenir les territoires et l’emploi. SUR CFNEWS EN LIGNE > > > À LIRE AUSSI52 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net CAPITAL-INNOVATION MEERO, DOCTOLIB, MANOMANO, YNSECT, VESTIARE COLLECTIVE, LES VCS ANGLO-SAXONS S’INVITENT DANS LES PLUS BEAUX TOURS DE TABLES MENÉS PAR LES PÉPITES FRANÇAISES. MAIS PAS ENCORE AVEC DES ÉQUIPES LOCALES BASÉES À PARIS. Par Rodolphe LANGLOIS ANGLO-SAXONS BIENTÔT INSTALLÉS À PARIS ? S i l’on imagine les meilleurs VCs créer un bureau à Paris, ce serait un signal excellent pour l’écosystème parisien. Cela voudrait dire qu’il est suffisamment mature pour les intéresser, qu’il est suffi- samment attractif pour les investisseurs, qu’il leur ouvre des perspectives de rendement intéressantes. Ce serait donc une très bonne nouvelle. Mais il y a encore un peu de travail, pour convaincre que cette philosophie d’ouverture est une bonne chose. » Le constat est dressé par Matthieu Lattes, bien placé pour le savoir. Ancien associé au sein de Rothschild « LES VC S 53 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net & Co, spécialiste du secteur tech, il a rejoint il y a deux ans le fonds new-yorkais White Star Capital dans le cadre de la créa- tion d’une antenne parisienne. Une décision alors prise par ses deux fondateurs, Eric Martineau-Fortin et Christian Hernandez Gallardo, pour en faire le siège de ses activités continentales. Une étape importante pour le VC américain, investisseur dans Meero, Klaxoon ou encore dans Mindsay, qui possède déjà un bureau à Londres depuis plusieurs années. Cette résolution as- sez singulière le distingue aussi des autres fonds anglo-saxons comme Accel Partners, Index Ventures ou encore Balderton Capital. Ces derniers figurent régulièrement, depuis 2011, parmi les VCs les plus actifs en France, comme en témoigne l’étude menée par Cambon Partners réalisée avec les données de CFNEWS. Si les jeunes pousses tricolores ont ainsi fait la preuve des talents de leurs entrepreneurs ainsi que de leurs compétences technologiques, la France et Paris peuvent-elles davantage faire la preuve de leur attractivité auprès des VCs ? E n effet, si ces fonds se sont montrés particulièrement friands de start-up hexagonales ces dernières années en injectant des capitaux non négligeables (voir le tableau page 55), ils n’ont en revanche pas franchi le pas en venant s’ins- taller à Paris. « Des vrais mouvements de fonds américains qui seraient venus investir en France, dans le sens où ils sont venus installer un bureau, ce n’est pas quelque chose que l’on a vu massivement. Pour être honnête, la situation Covid-19 ne va pas S’imprégner de l’écosystème français Si les meilleurs VCs s’installent à Paris, ce serait un signal excellent pour l’écosystème parisien. “ ” MATTHIEU LATTES, WHITE STAR CAPITAL. Photo : hetham - Adobe Stock54 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net accélérer ce mouvement. Des fonds internationaux qui investissent en France, il y en a beaucoup, mais en général, ils ont un bureau euro- péen à Londres. Il y a peu de fonds qui ont des bureaux partout où ils investissent, poursuit le DG Europe de White Star Capital, dont la stra- tégie diffère de ses confrères. C’est notamment une question de frais de gestion. Beaucoup de sociétés préfèrent les économiser et pouvoir servir des dividendes à leurs propres actionnaires. Nous avons fait le choix d’investir une partie de nos frais de gestion dans une équipe assez étoffée, mais qui est aussi un actif incroyable vis-à-vis des start-up. » Pour créer des licornes, comme Meero, le VC a donc préféré miser sur une implantation multi- locale, pour favoriser l’internationalisation ra- pide des jeunes pousses, et ainsi les aider à trou- ver des clients ainsi qu’à recruter localement, à l’étranger, mais également en France. « La réa- lité c’est qu’une fois basé à Paris, on est mieux connecté à l’écosystème français, et surtout on commence à entendre parler de start-ups qui ne sont pas qu’à Paris, mais aussi à Lyon, à Montpellier, à Toulouse ou encore à Bordeaux. Si l’on est sérieux à propos de l’investissement en France, il faut être sur place pour s’imprégner de l’ensemble de son écosystème », corrobore Julien Etaix, Investment Manager chez UpFront, passé par Airbus Ventures, chargé de se focaliser sur les marchés britannique, allemand et français. Plus de 120 sorties L a question de s’installer dans l’Hexagone reste pour le moment en suspens pour cette société gestion basée en Californie, qui a rencontré ces derniers mois plusieurs institutionnels et des per- sonnes importantes dans le dispositif économique français. Il faut dire que ce VC, qui a réalisé plus de 120 sorties, est familier des histoires crossboarders. Fondée il y a plus de vingt ans par l’ancien investis- seur français de chez Carrefour Yves Sisteron, depuis installé outre-At- lantique, la société de gestion a accompagné aux Etats-Unis plusieurs CAPITAL-INNOVATION Il faut être en France pour s’infuser de l’ensemble de son écosystème. “ JULIEN ETAIX, UPFRONT. 55 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net56 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net sociétés européennes, et tricolores, comme Kyriba, la fintech licorne devenue américaine d’origine française, détenue depuis l’été dernier en LBO par Bridgepoint, ainsi que le déploiement de plusieurs sociétés américaines en Europe pour vendre de façon plus efficace, telle que Apeel. « Mais pour quelqu’un qui veut simplement être opportuniste et investir dans quelques sociétés françaises, on peut le faire de manière efficace depuis Londres, complète-t-il. En 2020, la place londonienne demeure attractive pour l’investissement en Europe continentale. Les raisons sont diverses, mais il y a notamment la question de la fiscalité (lire encadré page 58). « Le domaine juridique et fiscal est évidem- ment un facteur très important, avance Romain Dehaussy, associé de la banque d’affaires Cambon Partners, le Royaume-Uni et les Etats-Unis partageant un socle de pratiques communes par opposition au droit latin en vigueur en France. La dimension socio-culturelle n’est pas à négliger non plus. Il est ainsi beaucoup plus facile pour les conjoints de s’adapter socialement et de trouver un emploi à Londres. » CAPITAL-INNOVATION LE ROYAUME-UNI SEMBLE POURTANT OFFRIR DES ATOUTS FISCAUX INDÉNIABLES. Photo : londresmag.com1 ÈRE ÉDITION DES CFNEWS TECH AWARDS LUNDI 5 OCTOBRE 2020 Plus d’informations : events.cfnews.net L’INTELLIGENCE N’EST PAS QU’ARTIFICIELLE58 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net CAPITAL-INNOVATION L e gouvernement a déjà pris plusieurs initiatives intéressantes, qui consis- taient notamment à montrer la richesse de l’écosystème français de start-up. « Les VCs étrangers sont très bien connectés, reconnait Julien Etaix. La France et les fonds français ont fourni un énorme effort ces dernières années dans le sillage de l’élection d’Emmanuel Macron, pour rendre la France La fiscalité, l’enjeu clé La fiscalité continue d’être plus attractive pour les GPs à Londres que sur le continent. « La Grande-Bretagne, qui est toujours agressi- vement libérale et en faveur de l’investisse- ment, poursuit l’établissement d’une fiscalité sur-mesure pour les fonds de Private Equity et de Venture Capital, qui limite la pression fiscale en cas d’investissement réalisé à long terme, considérés comme Capital Gain Tax à 28 %, précise Julien Etaix, d’UpFront. Des réformes encourageantes réalisées par le gou- vernement dans le sillage du Brexit a permis d’éviter la fiscalité «confiscatoire» hors régime Arthus à près de 80 % en France et de viser un traitement via PFU à 30 %, compétitif par rap- port à la Grande Bretagne. Pour les employés de fonds d’investissement et malgré l’éro- sion notable de la monnaie anglaise depuis le référendum du Brexit, les rémunérations à Londres demeurent encore supérieures à celles de l’écosystème français. » Depuis le 1 er janvier, en France, à travers la loi de Finance votée en 2019, la distribution, les rémunérations des parts des carried interest relèvent automatiquement du régime des plus-values de cession, la France souhaitant ainsi développer et renforcer son attracti- vité fiscale, et ainsi exhorter les dirigeants de fonds d’investissement étrangers à venir s’ins- taller chez elle. Malgré ce type de mesures, le canevas légal britannique reste beaucoup plus proche de celui auquel les VCs améri- cains sont habitués chez eux. Nombreuses sont alors les sociétés de gestion étrangères à s’interroger : pourquoi prendre le risque de s’exposer à la fiscalité française, voire aux droits des entreprises français, lorsque l’on peut être en Grande-Bretagne, payer mieux les associés et pouvoir prendre un train tous les jours pour aller à Paris si on a envie d’aller investir ? JULIEN ETAIX, UPFRONT. Des initiatives59 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net visible sur la carte des VCs internationaux. Nous n’en sommes plus à cette étape et c’est un grand succès d’attractivité. » L’étude de Cambon Partners tend en effet à prouver que les sociétés de gestion étrangères sont de plus en plus familières avec notre écosystème, celui des start-up mais également des VCs hexa- gonaux, puisqu’elles sont encore 72 % en 2019 (contre 87 % en 2016-17) à investir à leur côté, régulièrement avec Alven, Partech ou encore Idinvest Partners. La France met ainsi ré- gulièrement en lumière des suc- cess story, telles que BlaBlaCar, Meero, Doctolib, ManoMano, Iva- lua ou encore Deezer, prouvant qu’elle peut créer des sociétés qui valent des milliards de dollars, d’euros. Avec Paris, peuvent-elles dès lors déployer d’autres atouts ? L’une des clés pour continuer à atti- rer ces fonds sur notre sol est évidemment les capitaux. « Les VCs ont besoin d’aller chercher de l’argent auprès des LPs, et le marché des LPs est nettement plus développé dans le monde anglo-saxon, constate Matthieu Lattes. Et c’est ce retard que l’on est en train d’essayer de combler en France, pour pouvoir attirer des équipes de gestion à Paris. En tant que président de la commission venture de France Invest, j’essaie aussi de faire venir des investisseurs étrangers. Les initiatives récentes comme le rapport Tibi sont faites pour orienter de l’argent institutionnel vers des équipes de gestion qui veulent s’établir à Paris, qu’elles soient françaises ou internationales. » Améliorer les conditions fiscales d’installation des sociétés de gestion anglo-saxonnes dans l’Hexagone permettra de drainer plus d’investis- sement dans les sociétés françaises, et par ricochet de créer des des em- plois et donc des contributions fis- cales et sociales en bout de chaîne pour l’Etat. La dimension socio-culturelle n’est pas à négliger non plus. “ ROMAIN DEHAUSSY, CAMBON PARTNERS. SUR CFNEWS EN LIGNE > > > À LIRE AUSSINext >