< Previous40 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net FINANCEMENT C et apport de nouveaux financements, couplé à une baisse drastique de l’activité, fait craindre que les covenants de la documentation de finan- cement LBO ne soient plus respectés. Cet événement entraînerait un bris de covenant et la faculté du prêteur à exiger le remboursement anticipé du crédit ou à aug- menter les taux d’intérêts. Pour remédier à cette situa- tion, les actionnaires fonds d’investissement ont négocié des waivers leur permettant, par exemple, de demander aux prêteurs de renoncer temporairement ou définitive- ment à un covenant. « Les waivers ont pu être facilement obtenus grâce à la qualité des actifs, des leviers de dette faible et avec la confiance des prêteurs, rassurés par notre track record », dispose Eric Bismuth. « Après analyse, la majorité de nos participations ont demandé un PGE mais, en revanche, seulement un petit nombre un report des intérêts et pratiquement aucune n’a demandé un report de l’échéance en principal, précise Christophe Karvelis- Senn qui ajoute que, « pour faire face à cette crise, les sociétés de portefeuille ont pu compter sur le PGE, mais également sur le tirage de lignes RCF committées per- mettant de préserver la trésorerie disponible ». De fait, Des waivers pour éviter le bris de covenant La question du remboursement du PGE se posera en 2021. “ CHRISTOPHE KARVELIS-SENN ment stoppés pendant le confinement, avec un arrêt total des prises fermes », expose Pierre-Louis Nahon. Pour les sociétés sen LBO, la mise en place de PGE - équivalent à une dette super-senior sans sûretés - a nécessité des dis- cussions avec les prêteurs existants (banques et fonds de dette). « Le cabinet a accompagné un certain nombre de fonds de dette afin d’autoriser la struc- turation de PGE au sein de groupes sous LBO. Les points principaux d’at- tention des prêteurs unitranche sont liés à l’encadrement desdits PGE, à la fois en termes de montant, de durée, d’affectation des sommes ainsi perçues mais également de gestion de la subordination en résultant », estime Olivier Vermeulen, associé en charge du département finance de Paul Hastings.41 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net D ’ici à l’année prochaine, de nouvelles problématiques naîtront quant au rem- boursement du PGE. Devra-on le rem- bourser et faire appel à un nouvel investisseur pour injecter de l’argent frais ? Cécile Mayer-Lévi dresse le constat suivant : « A ce jour, les PGE mis en place pour pallier les besoins en fonds de roule- ment et de préservation de liquidité devraient être des solutions de court terme et être remboursés rapidement ». A moyen terme, les financements dans les montages LBO devront être rééchelonnés. « Dans ce contexte particulier où les nouveaux financements ont abondé, les prêteurs de- manderont aux fonds equity d’accompagner leurs efforts d’une manière ou d’une autre », expose Philippe Charbonnier. Pour Christophe Karvelis-Senn, pas de doute : « La question du remboursement du PGE se posera en 2021 car il sera du devoir des actionnaires de renforcer les fonds propres là où le poids du PGE paraitra trop lourd au regard du rythme de reprise. Cet apport de cash pourra être, également, réalisé par l’intervention d’un tiers, co-investisseur ou un fonds de dette ou un fonds fournissant de l’obligataire haut de bilan comme le fonds de soutien qu’Axa vient de nous confier ». La question du remboursement des PGE Les waivers ont pu être facilement obtenus grâce à la qualité des actifs, des leviers de dette faible et avec la confiance des prêteurs. “ ERIC BISMUTH, MONTEFIORE INVESTMENT. les établissements bancaires ont été très sollicités pendant le confinement. « Les banques nationales et régionales traitaient des demandes de report d’échéances (une première demande pour la majorité des clients) ainsi que des waivers pour l’ajout de PGE », énonce Christophe Demarche. Et de poursuivre : « Dans les sociétés que nous suivons, il n’y a pas eu de bris de covenant car les ratios sont calculés annuellement. S’il doit y en avoir, ce sera plutôt l’an prochain, sachant que la plupart des emprunteurs ont anticipé avec des waivers ». 42 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net LPs/GPs À LEUR PLUS HAUT NIVEAU HISTORIQUE, LES POCHES NON COTÉES INSTITUTION- NELLES SONT AUJOURD’HUI FLÉCHÉES VERS LA RELANCE D’UNE ÉCONOMIE EN CRISE. LEUR CAPACITÉ À S’APPUYER SUR DES GÉRANTS ALLIANT PERFORMANCE, SÉLECTIVITÉ ET DÉMARCHE RESPONSABLE S’EN TROUVE PLUS QUE JAMAIS MISE À L’ÉPREUVE. Par Aurore BARLIER LES ASSUREURS LEURS STRATÉGIES AFFÛTENT M algré la crise sanitaire et les brèves incursions des taux sans risque en territoire positif, les actifs illiquides occupent toujours une place de choix dans les portefeuilles institutionnels. Il faut dire que ces stratégies, initiées bien souvent avant même la crise de 2008 et la désintermédiation des banques jouissaient, jusqu’au confinement, d’un plébiscite des assureurs. Selon le baromètre annuel d’Indefi, la part du non- coté aurait en effet augmenté de près de 2 % sur un an pour atteindre 10,4 % Photo : metamorworks - Adobe Stock43 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net des allocations d’actifs institutionnelles en 2019. Le private equity, en particulier, a augmenté de 9,2 % entre 2016 et 2019. Et la tendance reste à une course à la hausse. « Notre bilan étant très liquide, nous avons tendanciellement la capa- cité d’augmenter la part d’actifs illiquides », assure Philippe Taffin, directeur des investissements d’Aviva France, dont 1,5 % des 75 Md€ d’encours (hors unités de compte) était engagé en private equity à fin 2019. Le groupe s’attache, en effet, depuis plusieurs mois à pondérer davantage le non-coté par rapport au coté sur ses nouveaux investissements en actions. « A condition de choisir les bonnes sociétés de gestion, ce segment améliore la résilience de nos marges de solvabilité, et présente de nombreuses opportunités notamment en lien avec la transformation de l’économie », jus- tifie son responsable. De même, Allianz France, qui a déjà porté le non-coté de 15 à 20 % de son portefeuille sur ces quatre der- nières années, souhaite dorénavant élever cette part à 25 %. Un objectif principalement appuyé par l’investissement en direct lending. « Ces actifs nous offrent du rendement sans nous pénaliser dans notre modèle interne, assure Edouard Jozan, directeur de la stratégie d’investissement d’Allianz France. Nous avons la capacité de les sourcer au niveau mondial avec des équipes im- plantées à Paris, Munich, aux États-Unis et en Asie, qui nous permettent À condition de choisir les bonnes sociétés de gestion, le non-coté améliore la résilience de nos marges de solvabilité, et présente de nombreuses opportunités… “ PHILIPPE TAFFIN, AVIVA FRANCE.44 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net d’aller chercher des gestionnaires nous don- nant accès à des marchés différenciants et de bonne qualité ». Pour certains, la crise est même synonyme d’opportunités à saisir grâce à la capacité des assureurs à déployer des fonds de façon contracycliques sur les marchés non cotés. « L’ajustement des prix à la baisse pour des investisseurs long terme tels que nous est plutôt une bonne chose », note ainsi Olivier Héreil, responsable des gestions d’actifs de BNP Paribas Cardif, qui s’attend à voir les taux de rendement sur le stock passer sous la barre des 10 %. Le groupe poursuivra donc « sa stratégie d’investissements réguliers » en private equity, laquelle lui avait « permis d’éviter les effets millésimes et de ne pas souffrir de la crise de 2008 ». Récemment ouverte au capital-investissement et à la dette pri- vée, Harmonie Mutuelle s’attachera, quant à elle, à appuyer le rebond d’entreprises fran- çaises prometteuses. Mais pas à tout prix. « L’accroissement de la sélectivité des banques peut ouvrir des opportuni- tés en matière de crédit in fine. Concernant le private equity, qui va béné- ficier d’un réajustement des prix, nous allons rester très sélectifs dans nos critères d’investissement et notamment sur le levier bancaire », exprime Aurélien Bon, directeur financier de la mutuelle francilienne. Des secteurs plébiscités LPs/GPs « Nous avons exploité au maximum Solvabilité 2 » La réglementation, qui a su se montrer indul- gente en permettant aux assureurs de s’ouvrir aux EuroPP grâce à la réforme du code des assurance en août 2013, peut tout autant s’avé- rer bloquante. En cause : l’entrée en vigueur de Solvabilité 2 en 2016, qui limite notamment les actifs non cotés en portefeuille. « Le rendement ajusté du capital de la dette privée corporate est parfois peu éloigné de l’OAT qui, elle, présente l’avantage d’être liquide et n’a aucun coût en capital », note en effet Jean-Louis Charles ,direc- teur des investissements d’AG2R La Mondiale. Selon lui, la directive pourrait d’ailleurs s’avérer pénalisante pendant la crise puisque « des ten- sions sur la solvabilité [pourraient] conduire à réduire les poches consommatrices de capital, C ar ces stratégies, confrontées à la faiblesse des taux et la baisse concomitante des rendements des actifs risqués, imposent parfois aux investisseurs d’aller chercher plus de risque. Un pari que tous les assureurs ne sont pas prêts à prendre. « Plutôt que de chercher plus de rendement au détriment du risque, nous nous attachons à agir sur les 45 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net « Les investisseurs affichent un fort intérêt pour ce mécanisme, en dépit d’une mise en œuvre jugée trop complexe, et particulièrement pour les actions non cotées, qui offriraient ainsi un couple rendement/risque particulièrement favorable et un alignement avec l’horizon long terme », regrette Agnès Lossi, directrice associée chez Indefi. Une opinion partagée par de nombreux assureurs, certains allant même jusqu’à dénoncer la « schizophrénie » de pou- voirs publics toujours plus gourmands en ma- tière de financement des entreprises, mais peu enclins à lâcher du lest sur la réglementation. PAUL LE BIHAN, GROUPE MNCAP. comme le non-coté », nous explique-t-il. Cer- tains institutionnels, comme l’UMR ont donc dû rivaliser d’imagination pour s’affranchir de ces barrières. « Nous avons exploité au maximum Solvabilité 2 pour conserver une allocation co- hérente avec notre statut d’investisseur de long terme. Une des trois dispositions spécifiques que nous appliquons nous permet de ‘choquer’ le portefeuille d’actions cotées et non cotées à 22% au lieu de 39% ou 49 %, à condition que nos passifs soient supérieurs à 12 ans et que l’on puisse supporter une baisse des marchés de 30 % », exprime par exemple Paul Le Bihan, an- cien directeur général de l’union de mutuelles nantaise. Malgré la nouvelle classe d’actions de long terme (LTE) introduite par la révision 2019 de Solvabilité 2 ouvrant la disposition utilisée par l’UMR à tous les assureurs avec des condi- tions assouplies, la pratique reste peu courante. passifs, notamment en desserrant les taux garantis », indique Jean-Louis Charles. Et le constat est le même à l’étranger. « Nous avons préféré sor- tir du marché des États-Unis car nous estimions que les prix étaient trop chers et nous souhaitions éprouver la liquidité de ce type de placements », explique ainsi Olivier Héreil, tandis qu’AG2R La Mondiale et Aviva France avaient, pré-Covid, donné depuis plusieurs mois un coup d’arrêt à leurs nouveaux investissements en dette privée corporate au vu de l’augmenta- tion du risque sous-jacent. « Seule la stratégie distressed n’est pas encore adressée dans notre portefeuille, mais il est probablement encore un peu tôt dans le cycle pour s’y aventurer », indiquait en outre Cédric Chavot, directeur adjoint des investissements d’Aviva France, à l’aube de la crise du Coronavirus. Si beaucoup d’assureurs ont constaté une diminution des covenants ainsi qu’une baisse de la rémunération à niveau de risque in-46 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net changé, ils restent attentifs à l’avenir de ce marché. « Il va être intéressant de voir si les nouveaux fonds procèdent à un réajustement de la prime de risque post-Covid et comment ils intègrent les critères extra-financiers à leur gestion », note Philippe Rey. Le contexte pourrait en outre déclencher une spécialisation des stratégies en portefeuille, lesquelles s’efforçaient jusqu’à présent à couvrir tout le spectre du private equity. « La crise liée au coronavirus va probablement changer à la marge la typologie de nos financements, souligne Olivier Héreil. Bien que l’orientation à la hausse du non-coté demeurera intacte, nous pensons accélérer dans les domaines de la santé et de la technologie, mais aussi renforcer l’impact investing ». C es secteurs qui - comme celui de la consommation alimentaire - ont montré leur résilience face à la crise, pourraient néan- moins voir leur niveau de valorisation flamber. La sélectivité reste donc de mise. « Nous préférerons les gestionnaires qui prendront le temps d’investir, quitte à proroger la période d’investissement de leur fonds au détriment du TRI, plutôt que de payer des entreprises trop cher ou subir de la casse », avertit Philippe Rey, directeur des investisse- ments de l’Union Mutualiste Retraite (UMR). Des investissements secto- riels réalisés souvent à raison de tickets plus faibles que dans les fonds multisecteurs, l’UMR s’y engageant à hauteur de 5 M€, contre 15 M€ à 20 M€ dans les véhicules généralistes. De même, AG2R La Mondiale af- fiche une prudence accrue sur ce type de fonds à l’univers d’investisse- ment restreint, bien que le groupe ait encore des marges de manœuvre pour remplir sa poche de 3 % dédiée à la dette corporate et au private equity. « Nous pouvons être amenés à sélectionner des fonds thématiques, à condi- LPs/GPs Nos investissements non cotés nous permettent de nous rapprocher de notre clientèle. “ ” AURÉLIEN BON, HARMONIE MUTUELLE. Contactez-nous ! Agathe Zilber, Rédactrice en chef : agathe.zilber@cfnews.net - tél. :+33 (0)1 75 43 73 53 Anne Dauba, Responsable développement : anne.dauba@cfnews.net - tél. : +33 (0)1 75 43 73 65 www.cfnews.net Rejoignez l’édition 2020/2021 de l’annuaire digital des acteurs de l’ESG dans le capital-investissement Avec la collaboration d’INDEFI Français/Anglais En accès libre et téléchargeable en PDF Cliquez ici pour retrouver lʼédition 2019/2020 © base freepik.com48 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net L es sociétés de gestion partenaires occupent, d’ailleurs, un rôle primordial dans le déploiement de ces stratégies par les assureurs. « Hormis une poignée d’acteurs ayant développé des compétences de suivi en interne, le private equity est largement délégué à des sociétés de gestion externes », rappelle Agnès Lossi. Ainsi, selon le baromètre pu- blié par le cabinet de conseil Indefi, le taux de délégation externe atteint 89 % sur le private equity. Pour séduire, les gérants doivent montrer patte blanche en matière de qualité de leurs équipes, mais aussi de résultat. Avi- va France attend, par exemple d’une gestion suffisante « une surperfor- mance annuelle de 3 à 5% par rapport aux actions cotées dans la durée », illustre Cédric Chavot, rappelant que la filiale française du groupe bri- tannique fait uniquement appel à des prestataires externes pour déployer sa stratégie non cotée. « Nous avons commencé à ré-augmenter très pro- gressivement notre exposition aux actions non cotées dès 2014 principa- lement au travers d’un fonds dédié, en parallèle duquel nous investissons dans des fonds ouverts sur certains segments précis en adéquation avec notre stratégie d’investisse- ment », précise-t-il. Privilégiant lui aussi une approche par des prestataires externes, AG2R La Mondiale réalise, pour sa part, « chaque année une quinzaine d’investissements avec un ob- jectif de TRI d’environ 10 % », chiffre Cyrille Roustang. Mais les pratiques évoluent en faveur d’une gestion plus durable, y compris dans le choix des ges- Le rôle crucial du gérant Hormis une poignée d’acteurs… le private equity est largement délégué à des sociétés de gestion externes. “ ” AGNÈS LOSSI, INDEFI. tion que leur univers d’investissement soit suffisamment profond et qu’ils disposent d’un track record éprouvé », témoigne Cyrille Roustang, res- ponsable du private equity au sein du groupe de protection sociale comp- tant 82,6 Md€ d’actifs assurantiels. LPs/GPs INDEFI est une société indépendante créée en 2007, dirigée par ses fondateurs et employant une équipe de plus de 40 consultants. Nos clients sont des sociétés de gestion européennes généralistes ou spécialistes en private equity et infrastructures, ainsi que leurs participations. Notre offre s’articule autour de deux axes : Stratégies de développement des sociétés Analyse d’opportunités d’investissement et suivi des participations www.indefi.comINDEFI est une société indépendante créée en 2007, dirigée par ses fondateurs et employant une équipe de plus de 40 consultants. Nos clients sont des sociétés de gestion européennes généralistes ou spécialistes en private equity et infrastructures, ainsi que leurs participations. Notre offre s’articule autour de deux axes : Stratégies de développement des sociétés Analyse d’opportunités d’investissement et suivi des participations www.indefi.comNext >