< Previous © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 FINANCEMENT APRÈS UN PREMIER TRIMESTRE DE TRÈS BONNE FACTURE, L’ENVIRONNEMENT DES FINANCEMENTS LBO FORTEMENT IMPACTÉ PAR LA CRISE SANITAIRE, A FAIT ÉMERGER DE NOUVELLES TENDANCES ET PRATIQUES DE MARCHÉ POUR L’AVENIR. Par Jean-Philippe MAS DETTE LBO : L’AVANT ET L’APRÈS COVID-19 Photo : Pierell - Adobe Stock31 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net E n France, l’année 2020 démarrait sous les meilleurs auspices pour le marché du financement LBO, dans la lignée de la fin d’année dernière. Selon les don- nées récoltées par la banque d’affaires Alantra, 12 opéra- tions financées par une dette unitranche ont été structurées en France sur les trois premiers mois de l’année, soit le même nombre qu’en 2019 à la même période. Parmi les plus emblématiques figure, notamment, l’entrée d’IK Investment Partners dans EDH, le groupe d’enseignement supérieur privé générant 50 M€ de revenus, aux côtés de Quilvest, le financier déjà majoritaire. L’opération a été financée par une dette unitranche de 70 M€ apportée par CIC Private Debt et Idinvest Partners. « Nous avons été très actifs au premier trimestre grâce à de nouveaux dossiers, mais également via le débouclage de plusieurs opérations initiées fin 2019 », analyse Guillaume Chinardet, managing director d’Ardian et responsable de la dette privée en France. L’investisseur, qui a bouclé son nouveau millésime Ardian Private Debt IV à 3 Md€ en janvier dernier, a fourni la dette unitranche à l’occasion du LBO bis de Vivalto Vie, l’opérateur et propriétaire d’Ehpad, valorisé 230 M€ par un pool de financiers comprenant Amundi PEF, MACSF, Arkéa Capital, SGCP, BNP Paribas Développement et Socadif. « Le marché du LBO a été dynamique sur le Q1 2020 jusqu’à mi- mars, notamment sur le mid-cap, avec des propositions de financements très attractives portées par un environnement favorable », juge Philippe Charbon- nier, managing director, debt advisory chez Natixis Partners. L’ex-Leonardo & Co est intervenu sur les premiers mois de 2020 en tant que conseil sell-side sur le LBO bis de Vivalto Vie, le LBO ter de Datawords actant la prise de contrôle de Keensight Capital auprès de Cathay Capital et le troisième LBO de Biscuit International que le fonds américain Platinum Equity a valorisé environ 860 M€. Ce dernier a opté pour un montage avec dette senior et second lien de 550 M€, soit un levier de 6,5 fois l’Ebitda. Le marché du LBO a été dynamique au premier trimestre 2020 juqu’à mi-mars. “ PHILIPPE CHARBONNIER, NATIXIS PARTNERS 32 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net FINANCEMENT L es choses se sont ensuite compliquées avec l’arrivée progressive du Covid-19 sur le continent européen. Les premières alertes parmi les in- vestisseurs internationaux sont arrivées au mois de janvier et février en provenance de Chine. « Notre présence en Asie à travers les différents bureaux d’Ardian où résident certaines de nos participations nous a permis de consta- ter rapidement l’émergence de ce virus. Cependant, il était délicat de prédire précisément ce qu’il adviendrait. Nous avons pris conscience de la gravité de la situation au moment de la flambée des cas en Italie », explique Guillaume Chinardet. Même réaction chez Tikehau Capital. Cécile Mayer-Lévi, direc- trice de l’activité dette privée, précise : « Nos différentes antennes en Asie et nos participations en Chine nous ont donné, ces derniers mois, des indications précises sur cette crise sanitaire unique. » En France, le marché des financements LBO a été quasiment à l’arrêt dans le courant du mois de mars. L’élément déclencheur a été la décision de confinement du pays à partir du 17 mars. « Les effets de la pandémie de Covid-19 se sont ressentis à partir de la mi-mars. Juste avant le confinement, les propositions de financement étaient comparables à celles des mois précé- dents », énonce Philippe Charbonnier. Cécile Mayer-Lévi ajoute qu’« environ 90 %, se sont arrêtés net avec le confinement ». L’ensemble des acteurs de la place (fonds equity et fonds de dette) ont dû s’adapter et faire face à cette situation inédite et brutale pour leurs socié- tés en portefeuille. « Dès la mi-mars, Capza a effectué une revue de l’ensemble de ses lignes afin d’analyser l’impact du Covid-19 sur chaque participation et mettre en place, en conséquence, les mesures financières pour préserver l’outil de production et l’emploi », explique Christophe Karvelis-Senn, président Une fin de trimestre agitée Notre présence en Asie à travers les différents bureaux d’Ardian où résident certaines de nos participations nous a permis de constater rapidement l’émergence de ce virus. “ GUILLAUME CHINARDET, ARDIAN.34 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net FINANCEMENT35 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net et co-fondateur de Capza. La réaction des investisseurs fut, dans l’ensemble, assez rapide. « Dans les huit jours suivant le confi- nement, nous avions une stratégie claire. Pour chacun de nos investissements ont été évalués la liquidité, avec la création de buffers de liquidité et le niveau de dette des opérations. De plus, des mesures de protec- tion du chiffre d’affaires ont été prises, dont le contrôle des coûts et celui des investisse- ments », indique Eric Bismuth, le président de Montefiore Investment. Gérant plus de 2 Md€ à la suite du closing de deux nou- veaux véhicules pour 1 Md€ en février der- nier, le fonds compte, dans son portefeuille, Gandi, un bureau d’enregistrement de noms de domaine internet et Valeur et Capital, le spécialiste de la commercialisation de pro- duits immobiliers d’investissement. C ette pandémie a bouleversé toute l’économie et par conséquent l’en- vironnement de financement ne sera plus le même qu’avant, tant en termes d’instruments utilisés que de taux d’inté- rêts. « La crise sanitaire va engendrer une segmentation du marché encore plus forte. Les dossiers « prime », par exemple dans les secteurs de la santé, de l’alimentaire, de la tech et des services B2B, bénéficie- ront d’une très forte demande. Tous les LPs demanderont aux GPs de se concentrer sur Un environnement chamboulé36 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net FINANCEMENT des sociétés résilientes. Sur ces transactions, il n’y aura pas de chan- gement perceptible sur les valorisations ou les niveaux de dette. Les autres dossiers seront plus touchés », estime Philippe Charbonnier. Dans une économie en récession, le coût global des financements LBO devrait s’orienter à la hausse. « Nous vivons actuellement dans un contexte rééquilibré, porté par des leviers plus faibles et des Des closings pendant le confinement Le confinement a ralenti de façon brutale la finalisation de nouveaux dossiers LBO, mais ne l’a pas stoppée. « Je n’ai pas eu le senti- ment d’une fermeture totale du marché du crédit, comme ce fut le cas du credit crunch de la crise de 2008 », analyse Philippe Bassouls ( Hottingher CF). Mais qu’en est-il des dossiers signés avant le confinement ? Plusieurs tran- sactions du mid-market ont été bouclées pen- dant le confinement (voir le tableau page 34), dont la cession de la filiale d’Econocom, EBC à Chequers Capital, le LBO bis de Vivalto Vie et l’entrée de Bridgepoint Development Capi- tal dans le conseil en gestion de patrimoine Cyrus Conseil. La pandémie a eu un impact sur cette dernière opération financée par une dette unitranche d’Ardian et notamment sa documentation. « Nous avons eu quelques dis- cussions supplémentaires, confie Guillaume Chinardet. La documentation a été finalisée à la lumière du Covid-19 ». Mais les fonds de dette ont été au rendez-vous sur ce type d’opération. « Tous les engagements que nous avons pris avant le confinement ont été déli- vrés. Tikehau Capital se doit d’être une contre- partie fiable pour le marché », expose Cécile Mayer-Lévi (Tikehau capital). Le fonds a, ainsi, apporté une dette unitranche de 150 M€, avec Goldman Sachs, à l’occasion de l’entrée à hauteur de 45 % du fonds américain War- burg Pincus dans la biotech strasbourgeoise Polyplus pour une valorisation supérieure à 550 M€. Le closing a eu lieu en avril dernier. Malgré l’environnement difficile, les discus- sions sur plusieurs dossiers ont, donc, continué et devraient s’accélérer avec le déconfinement. « Le confinement a eu un impact moindre sur certains dossiers lancés avant le confinement, notamment quand les entreprises opéraient dans des secteurs résilients et présentaient des données financières de bonne facture », explique Christophe Demarche, responsable du dispositif corporate finance chez LCL. CÉCILE MAYER-LÉVI, TIKEHAU CAPITAL.37 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net O utre le produit star, l’unitranche, les fonds de dette pourront utiliser de la dette strechted senior. « Dans certains cas où les managers souhaiteront capper les niveaux de leviers, la dette senior stretched nous semble l’instrument idéal pour adresser les besoins de flexibilité des fonds equity », affirme Guillaume Chinardet. La dette subordonnée pourrait revenir sur le devant de la scène. « Sur les dossiers small et mid cap, la dette subordonnée (mezzanine ou PIK) devrait, dans les prochains mois, trouver davantage de place compte tenu de leviers bancaires plus conservateurs et du renchérissement de l’unitranche », complète Pierre-Louis Nahon, managing director d’Alantra à la tête de l’activité conseil en financement pour la France. Ainsi, le financement du LBO bis de Vivalto Vie contenait un emprunt PIK, initié par CIC De nouvelles pratiques de marché pricings plus élevés. Ces éléments vont amener des financements plus onéreux. Pré-covid, le taux de l’unitranche oscillait entre 5,75 et 6,25 %. Actuellement, les niveaux seraient compris entre 7 et 8 % », explique Cécile Mayer-Lévi. La compétition entre fonds de dette et banques devraient, également, être amenée à évoluer. « Le contexte actuel sera l’occasion pour les unitrancheurs de prendre des parts de marchés, principalement sur le segment mid-cap : non seulement ces acteurs ont un drypowder très important et une réacti- vité accrue (pas de syndication) mais les banques n’auront éga- lement pas toujours une volon- té farouche de mettre des actifs de type LBO sur leur bilan », juge Philippe Charbonnier. Cécile Mayer-Lévi poursuit : « Dès l’enclenchement du dé- confinement, Tikehau Capital est sollicité pour des opérations sur lesquelles il n’aurait pas été appelé auparavant ». Les solutions tailor-made risqueraient de revenir en force. “ ” PHILIPPE BASSOULS, HOTTINGUER CORPORATE FINANCE. 38 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net SUR CFNEWS EN LIGNE > > > À LIRE AUSSI > Private Debt et BNP Paribas Principal Investments. Les banques ne de- vraient pas se trouver dans une situation très favorable avec l’ensemble des PGE structurés. « Dans les montages LBO, la part amortissable de la dette senior devrait progresser et ce dans un contexte de levier plus modéré. Les marges seraient, quant à elles, (temporairement) relevées de 0,75 % à 1,50 selon la qualité de l’actif sous-jacent et la réaction face au Covid-19 », analyse Pierre-Louis Nahon. Les banquiers conseils en financement peuvent tirer leur épingle du jeu de cette situation. « Avant la crise, le marché du financement LBO mid et upper mid- cap avait tendance à être très standardisé. Les solu- tions tailor-made risqueraient de revenir en force avec le choix d’intérêt cash ou PIK et la clause toggle qui permet d’opter pour un intérêt PIK en cas d’im- possibilité de paiement en cash des intérêts », dis- pose Philippe Bassouls, associé d’Hottinguer Corpo- rate Finance et responsable du conseil financements. Enfin, un dernier outil devrait être intégré dans les nou- velles opérations LBO. Il s’agit du staple financing. Ce mécanisme autorise la banque conseil du ou des ven- deurs à proposer aux acquéreurs une offre de montage de dette pour financer le LBO. « La concurrence moins vive, ajoutée à des prises fermes plus compliquées à mettre en place, rendrait le staple financing plus attrac- tif. Il pourrait être proposé sur beaucoup de sujets à la vente », conclut Bernard Le Gendre, associé d’Hottin- guer Corporate Finance. FINANCEMENT Dans les montages LBO, la part amortissable de la dette senior devrait progresser. “ ” PIERRE-LOUIS NAHON, ALANTRA.39 © Tous droits réservés CFNEWS - MAGAZINE - Juillet 2020 www.cfnews.net LA CRISE SANITAIRE A ÉTÉ SI SOUDAINE ET BRUTALE QUE LES SOCIÉTÉS SOUS LBO ONT DÛ RÉAGIR VITE À L’AIDE DE MÉCANISMES CRÉÉS PAR L’ETAT POUR L’OCCASION ET EN NÉGOCIANT AVEC LEURS PRÊTEURS EXISTANTS. QUEL IMPACT LE COVID-19 AURA-T-IL SUR LES FINANCEMENTS EXISTANTS ? Par Jean-Philippe MAS P our aider les entreprises à surmonter cette crise sanitaire, le Gouver- nement a réagi rapidement en proposant notamment des prêts garantis par l’État à hauteur de 90 % (PGE) et le remboursement des mesures de chômage partiel. Le PGE prend la forme d’un prêt à un taux très faible (environ 0,25 %) sur un an, avec une option d’extension sur une ou plusieurs années supplémentaires. Ce dispositif a connu un succès retentissant et beau- coup de sociétés détenues par des fonds ont contracté ce type de prêt pour atténuer les conséquences économiques de la pandémie. « Depuis le mois de mars, les banques ont centré leur activité sur le suivi de portefeuille et sur la mise en place de PGE. Les nouveaux financements LBO ont été quasi-Next >